ÉDITO
L’art est souvent la consécration d’une technique, mais surtout le contre-reflet d’une époque : il en épouse la plasticité, répond au besoin de sens du moment, sans pour autant renier l’esthétique d’un hors-temps.
Le collage s’impose aujourd’hui comme l’art incontestable du début du XXIᵉ siècle. Il y a cent ans déjà, il existait — mais restait inavoué, inavouable : parler de « technique mixte » n’a jamais fait rêver grand monde.
L’avènement de l’ordinateur a libéré les gestes, les mots et les images, révélant l’impact du verbe et son lien indéfectible avec l’image. Aujourd’hui, tout le monde copie-colle. Le mot « collage » n’est plus tabou : il s’est émancipé.
Max Ernst en proposait déjà une définition lumineuse :« l’accouplement de deux réalités en apparence inaccouplables, sur un plan qui en apparence ne leur convient pas. » Mais c’est sans doute Jacques Prévert qui en réalisa le plus beau détournement, en reprenant ironiquement la définition du dictionnaire :« Situation d’un homme et d’une femme qui vivent ensemble sans être légalement mariés. »
À l’heure où la morale semble se substituer à la connaissance, et la violence à la pauvreté du langage, copier-coller répond à une urgence de bon sens : retourner à nos dictionnaires et à nos bibliothèques.
Dans un monde d’images, nous devons réapprendre à lire !
L’exposition de collages du WCD tire sa force de deux idées essentielles : la liberté et l’harmonie. La liberté commence là où les formes ne se ressemblent plus. L’harmonie naît de la confrontation entre des forces contraires — à condition qu’elles soient portées par des artistes incomparables, chacun parlant sa propre langue. En cela, le World Collage Day est la célébration des différences artistiques qui font du collage une pratique aussi plurielle que singulière.
Entre les collages analogiques de David Crunelle, l’élégance presque sérigraphique de Frédéric Thiry, les papiers d’emballage de burgers revisités par Esteban Ubretgi, les mots cousus et invisibles des collages métaphysiques d’Erika Bournet-Delbosc, le trait juste et fulgurant de Luis Cabrera, ou encore le pop art subversif d’Erik Bonnet, le monde du collage est littéralement le collage des mondes.
Le Moulin des Garçonnets est, à ce titre, un lieu tout désigné pour accueillir ce type d’exposition : il conjugue l’histoire, la jeunesse et la culture. Il colle, à sa manière, à l’esprit même du collage.
Stéphane GUIBERT
Commissaire d ‘exposition